Short Pieces / En gros / partie 1

Publié le par lasoupiere.abribus.over-blog.com

banniere short pieces internet 2

 

En gros : fruits et légumes. 

 

Légumes surtout. Pour l’année nouvelle, nouvelle mission. 

Se lever bien avant les aurores. À savoir 2h45 pour être « sur le pont » à 4h précises. Et même bien avant potron-minet les jeudis et vendredis. Soit à 3h30. Tout aussi ponctuelles. 

 

Tout ça pour quoi ? 

 

Pour déballer ranger puis mettre en palettes des centaines de kilos de légumes venus tout exprès et en express de toute l’Europe. 

Bouger des cageots entiers de choux et de salades. Des centaines de caissettes de tomates et de haricots. Des filets remplis d’oignons jaunes et de pommes de terre. Nouvelles ou pas. 

Monter des piles hautes et droites, bien verticales, surtout pas chancelantes. Le tout bien d’équerre, presque au cordeau. Tout doit être nickel et très présentable pour les maraîchers. Qui ne vont pas manquer de débouler rapidos. On se lève très tôt dans le monde matinal du légume et du fruit frais. Hiver comme été. Automne et printemps inclus. Marchands des quatre saisons. De nuit commencent les jours de marché. Toujours. Intempéries comprises. 

 

Dès 5h, ils déboulent. À partir de ce moment-là, crucial, débute la valse des cageots. En deux temps trois mouvements. Chaque maraîcher s’adresse à Robert, l’unique interlocuteur ; tour de contrôle et de commandement ; chef d’orchestre qui donne la cadence et le tempo, écrit la partition allegro vivace; fixe les prix au cours du jour et à la tête du client ; le tarif du pois gourmand ou du fenouil, la cote de la tomate en grappe ou du brocoli. 

 

«  Tu le fais à combien le haricot ? » «  Qu’est-ce qu’elles donnent tes endives ce matin ? » « Ils sont comment, les navets ? Pas gelés, au moins ? »

Robert parlemente. Pas un bavard, Robert. Quelques mots suffisent : provenance, qualité puis un prix lâché, discrètement, dans un souffle, comme si c’était un secret d’Etat. L’accord rapidement conclu – le temps est précieux et d’autres tractations attendent – il note à la hâte, sur de petits carnets, le prix conclu et les quantités, d’une écriture quasi indéchiffrable, codée et sibylline. 

Le préparateur que je suis n’a plus qu’à : se saisir promptement des précieux papiers retournés – confidentialité oblige. Et, précédé de mon indispensable diable, partir à la pêche des légumes commandés. 

 

Pas lambiner, donc. Aller vite. Et même plus, si possible. Avoir le geste vif et précis. Sans confondre vitesse et précipitation. Au risque du patatras redouté. Dégâts collatéraux inévitables à ces denrées si périssables et conséquemment si fragiles. 

 

Glisser furtive, d’un coup de talon sec et précis,  la semelle du diable sous la pile de légumes qu’on aura inclinée  tout entière et prestement, de la main gauche. Enlever le tout illico sans sommation. Pivoter. Rouler, louvoyer, virevolter dans les allées. En évitant si possible et c’est souhaitable les maraîchers qui soupèsent, apprécient, tâtent, évaluent, négocient et marchandent. 

 

Filer droit au but et à la bascule. Pas le temps de peser le pour et le contre. Peser tout court. Noter le poids. Dare dare. Ré-empiler fissa sur le diable. Diable ! pas le temps de traînasser. Direction la ligne blanche d’enlèvement des marchandises.  Déposer le tout. Et repartir idem pour un nouveau chargement.

 

A suivre !

Publié dans Short Pieces

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article