Photos du dimanche 7 mars 2010

7 mars

Sur une centaine de mètres, la route est droite et pentue, ce n'est pas une bonne nouvelle, c'est une bonne nouvelle pour personne, dans ces circonstances, vaut mieux faire un détour et passer par les champs vallonnés en faisant abstraction de la boue qui s'y trouve, avec un peu de chance, le froid de ce début d'année aura durci le sol empêchant la semelle des bottes de se salir et ce sera un bon moyen d'éviter les balles perdues, vaut mieux courir dans les champs pour fuir ses ennemis et ainsi perdre du temps, le but étant de retourner chez soi sain et sauf, que de servir de cible potentielle aux snipers isolés.

 
Alors qu'il arrive à proximité de sa maison, c'est le choix que doit réaliser l'Unteroffizier Manfred Rohleder de retour de Stalingrad, doux euphémisme, l'Unteroffizier Manfred Rohleder a déserté. Jusqu'à ce qu'il se présente devant cette route droite et pentue, l'Unteroffizier Manfred Rohleder ne s'était posé aucune question, le parfum de la maison n'ayant jamais été autant tenace, il n'avait qu'une chose à faire, revenir chez lui, traverser la Russie, l'Ukraine, le Caucase, la Pologne, les Sudètes et suivre la route de l'ouest. Il devait traverser toutes ses contrées hostiles sans se faire repérer car rien n'aurait été plus idiot que de se faire prendre après avoir survécu à la bataille meurtrière. Dans son périple, il a perdu plusieurs phalanges, il a été coursé par des enfants affamés, il a dormi près des bauges, il a volé, il a agressé des plus faibles que lui mais il n'a jamais imaginé qu'il n'atteindrait pas sa ville natale et ne retrouverait pas sa famille. Le romanesque voudrait que son épouse l'ait oublié et pris un amant, un unijambiste souffreteux, que l'armée lui ait annoncé sa mort, qu'il vive dans une cave jusqu'à l'arrivée... des soviétiques, mais le romanesque ne le fera pas changer de cap.

 
Ou c'est l'alternative qui se présente à Chauncey Wayne Sughrue, détective privé du Montana, depuis qu'il a tout perdu, sa voiture, une vieille Dogde que son père alcoolique et contrebandier lui a laissé, son pack de bière, sa bouteille de bourbon, sa casquette, ses armes à feux, des pistolets automatiques, des fusils à pompe et des grenades, et la fausse jeune femme qu'il a pris en stop, son honneur il a perdu au Viet-Nam. Victime d'un piège, impliqué dans un trafic de cartes de baseball, pourtant il s'en doutait dès le début, il faut croire qu'on est jamais assez méfiant, où que les gens sont plus retors qu'on pense, Chauncey Wayne Sughrue ne pense qu'à la vengeance, et ensuite à rétablir la vérité.

 
Mais chez un mercenaire de série Z post-apocalyptique cyber-punk, perdu dans les Dardanelles ou dans les Dolomites, il aurait aimé qu'on l'appelle un guerrier, pour qui l'important n'est pas de sombrer dans le grotesque, pour qui la valse des camps se détache de la rédemption, la décision est vite prise, ce sera la ligne droite, il se moque des conséquences, il se moque des projectiles qui pleuvent, il ne décide pas d'ailleurs, il agit, les robots assassins, on n'en veut plus, on s'en fout.

Pascal

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